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À cause de la jaunisse, les betteraviers passent à côté d’une année record

La jaunisse a amputé les rendements betteraviers sur une partie du territoire

Dans un contexte économique et politique compliqué, les planteurs de betteraves auraient pu se réjouir d’un excellent rendement au niveau national, compte tenu des semis précoces et des conditions météo idéales. Néanmoins, certaines régions subissent des pertes importantes en l’absence de solution efficace contre la jaunisse, et à la disparition des moyens de production s’ajoute une baisse des prix, dans un marché européen déstabilisé par les importations, alerte la CGB.

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« On est passés à côté de l’année record », explique Franck Sander, président de la CGB, ce 3 décembre. Le potentiel était pourtant bon, avec des semis précoces suivis de précipitations au bon moment... Pourtant, le rendement moyen ne devrait pas dépasser 91 t/ha, un résultat certes élevé face aux 80 t/ha de 2024, mais qui aurait pu l’être davantage si la jaunisse n’avait pas sévi fortement dans certaines régions, comme la Champagne ou le sud de l’Île-de-France, où la baisse de rendement peut atteindre jusqu’à -50 %. Face à cette situation, une demande d’indemnisation a été formulée en septembre auprès de la ministre de l’agriculture.

Les concurrents européens, qui disposent encore de l’acétamipride, parviennent quant à eux à des rendements moyens plus élevés, à 104 t/ha pour la Belgique par exemple, déplore la CGB. Déçu par la censure de la réintroduction du néonicotinoïde à travers la loi Duplomb, le syndicat demande une nouvelle proposition de loi afin de « rétablir des conditions de concurrence équitables » avec les autres pays producteurs européens. Une demande d’autant plus légitime, estime la CGB, que le rapport de l’Inrae publié en octobre confirme l’absence, à ce jour, d’alternative efficace et économiquement viable pour lutter contre la jaunisse.

Retour économique incertain et baisse des surfaces

La France devrait ainsi produire cette année 36 Mt de betteraves, pour 4,3 Mt de sucre et près de 9 millions d’hectolitres d’alcool et d’éthanol, indique Nicolas Rialland, directeur général de la CGB. Il reste difficile de connaître le retour économique, ajoute-t-il, avec des charges en forte augmentation (+ 32 % sur les cinq dernières années) atteignant en moyenne 2 900 €/ha cette campagne, alors que les prix sont en baisse pour 2025-2026, annoncés entre 30 et 35 €/t, contre 39,5 €/t en 2024 et 50 €/t en 2023.

Pour 2026, aucune annonce de prix n’a été faite en dehors de Saint-Louis Sucre, qui a acté en parallèle une diminution de 25 % des surfaces. Or, « quand le numéro un mondial décide de baisser ses surfaces, c’est inquiétant pour le marché et pour la situation de nos entreprises, car quand celles-ci sont en difficulté, les agriculteurs sont souvent la variable d’ajustement », souligne Franck Sander.

Le niveau de risque devient en effet de plus en plus difficile à supporter pour les sucriers, comme en témoigne la cessation d’activité des derniers groupes privés ou familiaux du secteur, début 2025, avec la fermeture d’Ouvré fils à Souppes-sur-Loing (77) et la vente du groupe Lesaffre (situé à Nangis, dans le 77) à Cristal Union. Des éléments qui ne font que renforcer l'inquiétude quant à la pérennité de la filière, confrontée à une volatilité extrême des marchés depuis la fin des quotas et la progression des importations ces dernières années.

Un marché dominé par l’incertitude

Avec un prix du sucre qui varie entre 300 € et 1 200 €, « la situation n’est plus durable », explique la CGB, dénonçant une volatilité accentuée par l’ouverture des marchés mondiaux et des importations qui ont totalement déstabilisé le marché européen. Entre 2022 et 2024, 1,2 Mt ont été importées d’Ukraine, s’ajoutant à d’autres importations venues de pays tiers. Et la perspective d’un accord avec les pays du Mercosur n’est pas de bon augure, puisqu’il prévoit l’entrée de 190 000 tonnes de sucre (soit l’équivalent d’une sucrerie française), 8,2 millions d’hectolitres d’alcool et d’éthanol (l’équivalent de la production totale française) et l’absence de mesures miroirs concernant les modes de production et l’utilisation de molécules interdites en Europe. D’autant plus qu’une clause de rééquilibrage serait prévue, alerte Franck Sander : si l’UE impose trop de mesures de sauvegarde, le pays exportateur peut se sentir lésé et demander à être dédommagé.

Pour la CGB, le rejet de l’accord et, d’une façon générale, la limitation des importations reste la seule solution, à coupler avec une gestion mesurée des marchés, notamment à travers la future Pac. La réserve de crise de 6,3 Mds€ sur cinq ans ne doit pas servir uniquement à répondre aux crises, mais également pour les prévenir, demande le syndicat. La référence de prix utilisée pour déclencher les mesures de gestion de crise doit aussi être actualisée : fixée à 404 €/t en 2006, il faut au minimum tenir compte de l’inflation pour la porter à 585 €/t, estime la CGB, qui appelle également à améliorer les outils existants (soutien au stockage privé, conversion de sucre en éthanol), et à suspendre les importations de sucre quand elles déstabilisent les marchés, et ce même lorsqu’elles s’inscrivent dans un accord existant.

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